Le jour suivant ma demande refusée auprès du CALQ, j’ai entrepris une nouvelle demande auprès du CALQ.
Me faire dire qu’un projet ne marche pas augmente ma motivation. J’ai l’habitude des défis qui avancent. Je suis une coureuse de longue distance.
Me tromper, échouer, tomber, être refusée plusieurs fois, ont fait de moi une personne capable de se relever très vite. Mon père disait tenez-vous droites, les filles, en nous donnant des petites tapes sur les épaules. C’est difficile de marcher comme une duchesse quand on porte des vêtements de l’Armée du salut. La honte, je ne savais pas comment la cacher. La honte courbait mes épaules, me colorait mes joues. Elle s’accrochait à ma voix. Elle m’a appris à chuchoter.
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Devant la classe, je lisais à voix haute des textes. C’était toujours moi la première qui levait la main pour déchiffrer, debout, devant tout le monde, des phrases dans lesquelles je trébuchais parce que j’étais dyslexique. Pourtant, je m’acharnais à continuer, à reprendre. Je refusais d’abdiquer. J’aimais tellement lire. Comment les mots faisaient-ils pour devenir d’autres mots quand ils passaient de la feuille à ma tête, de ma tête à ma bouche? Cela faisait rire les autres. Cela devenait de la poésie quand au lieu d’écrire « à fleur de peau » j’écrivais « à fleur de pot ».
Les sans-abris qui erraient dans les rues de mon enfance, je les trouvais fascinants avec leurs paroles farfelues. À travers la rudesse, on dirait qu’une sorte de beauté existait.
La pauvreté, je voulais en faire quelque chose de bien comme on apprivoise un chien qui nous effraie. Le rien m’a appris à inventer. Aujourd’hui, je joue comme autrefois. Je tords le réel, le retravaille à l’écrit.
L’adulte que je suis porte l’enfant que j’ai été. Cette voix de l’enfant est un parcours de la mémoire. Cette mémoire est le lieu de mes sens réveillés par le travail de l’écriture. Ainsi, je suis une enfant recomposée, consciente de ce que je suis, entre hier et maintenant.
Et c’est en déconstruisant la honte que m’a causée la pauvreté que j’aimerais bâtir mon prochain roman.